Santé
Publié le 07.02.2024
Tout savoir sur le bégaiement chez l'enfant : causes, symptômes et solutions
Votre enfant bute sur chaque mot lorsqu'il s'exprime ? Il répète les syllabes, hésite ou marque de longues pauses ? Il souffre peut-être de bégaiement. Ce trouble du langage oral, relativement fréquent chez les petits, disparaît souvent de façon spontanée. Mais pas toujours...
Le fait de bégayer est une souffrance souvent tue, car vécue comme honteuse. Dans son livre Le Petit Bonzi, Sorj Chalandon raconte avec justesse la vie de Jacques, enfant bègue : « Il a senti quelque chose d'étroit dans sa gorge. Une arête de consonne qui ne passerait pas. Une lettre coincée comme un morceau de pain. Un phonème en plomb. Il a paniqué. Il est resté comme ça, bouche ouverte au milieu de tout. Bouche ouverte et les mots qui refusent..»
Souvent, les parents se sentent désemparés devant les difficultés d'expression de leur enfant, et se blâment à tort. Il est naturel de vous inquiéter, mais sachez que vous n'êtes pas responsable du bégaiement de votre fille ou de votre garçon. En revanche, vous pouvez être acteur de sa guérison !
Le bégaiement : définition de ce trouble de la parole
Si ce trouble du langage nous est familier, les différents organismes n'ont pas la même définition. Pour certains, c'est un handicap, pour d'autres, non. D'après l'Assurance maladie, le bégaiement est une perturbation du langage oral, au même titre que la dysphasie , le retard de parole ou encore les troubles articulatoires. À ce titre, les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH)
reconnaissent le bégaiement comme un handicap.
La vitesse normale d'élocution, appelée fluence verbale, nous permet d'exprimer en moyenne 90 mots par minute. Lorsqu'un adulte ou un enfant bégaie, le rythme de la parole est altéré. En général, ce trouble se manifeste lors de la communication, car il est rare de bégayer seul.
Le débat reste d'ailleurs ouvert sur les mystères du bégaiement : pourquoi les difficultés d'élocution disparaissent-elles lorsque la personne bègue chante, murmure, imite, ou se parle à elle-même ?
Le bégaiement chez les enfants : quelques chiffres
« 8 enfants sur 10 se libèrent spontanément du bégaiement. »
Selon l'Association Parole bégaiement, ce trouble touche 1% de la population française, soit plus de 600 000 personnes. D'après cet organisme, le bégaiement se rencontre assez couramment chez les jeunes enfants : 8% en souffrent, notamment les garçons, qui sont 3 à 4 fois plus affectés que les filles.
Dans 80% des cas, le bégaiement survient entre 2 et 5 ans, lorsque l'enfant commence à parler. À noter que langage et diction sont deux choses différentes : certaines et certains jeunes bègues ont un excellent niveau de langage, tandis que d'autres peuvent présenter un retard.
Chez les enfants qui se libèrent du bégaiement, dans 8 cas sur 10 c'est spontanément, c'est-à-dire sans recourir à l'orthophonie. Dans d'autres cas, le trouble s'installe : 25% des enfants conservent une forme de bégaiement à l'âge adulte, appelé persistant, malgré la rééducation et ses résultats très probants*.
Les formes de bégaiement qui peuvent affecter les jeunes enfants et adolescents
Il existe 5 types de bégaiements, avec des symptômes différents :
- Le clonique, qui consiste en la répétition d'une syllabe,
- Le tonique, qui correspond à un blocage provoquant un silence suivi d'une répétition en rafale de la première lettre ou syllabe,
- Le tonicoclonique, qui mélange les deux précédents,
- Le bégaiement par inhibition, c'est-à-dire un temps de paralysie de l'enfant avant l'émission d'une réponse à une question qui lui est posée,
- Le bégaiement par substitution, qui se caractérise par le choix d'une autre formulation, voire du silence, pour éviter de bloquer sur les mots.
Vous avez l'impression que votre enfant fait beaucoup d'efforts pour s'exprimer ? Elle ou il ne vous regarde plus et abandonne son propos ? Elle ou il prolonge des sons ou les répète avec tension ? Ces signes doivent vous alerter sur un possible bégaiement de votre enfant.
La différence entre bégaiement et hésitation lorsque votre enfant s'exprime
Il est important de distinguer le bégaiement des hésitations normales liées à l'apprentissage du langage. En effet, apprendre à parler requiert de grands efforts pour un tout-petit !
De fait, il arrive que les enfants répètent des mots entiers au sein d'une phrase lorsqu'ils essayent de construire leurs premières phrases longues. Par exemple : « je vais à la piscine avec avec papa » ou « je vais je vais à la piscine avec papa ».
À l'inverse, certaines manifestations peuvent traduire un problème de bégaiement : clignement des yeux, détresse lorsqu'il tente de prononcer des mots spécifiques, rétention du souffle... En cas de doute, n'hésitez pas à échanger avec le maître ou la maîtresse, et parlez-en à votre pédiatre.
Les enfants bégayants : causes et conséquences
« La honte, la peur et l'anxiété sont des émotions au cœur du bégaiement »
Les avis divergent grandement sur les origines du bégaiement : psychologiques, physiologiques, cognitives, génétiques, ou bien encore conséquences de l'éducation.
Chez les personnes qui ont été bègues ou qui le sont encore, une question revient fréquemment : existe-t-il une transmission héréditaire du bégaiement ? Dans sa publication Intervention précoce chez le jeune enfant qui bégaie, Anne-Marie Simon nous apprend que « la prévalence du bégaiement est beaucoup plus importante au sein des familles de bègues que dans la population générale, et liée au sexe : il y a environ 1 femme bègue pour 3 hommes bègues, mais un risque plus important pour la femme d'avoirs un enfant bègue surtout si celui-ci est un garçon ».
Si ce trouble de la parole peut donc « se transmettre », il émane aussi d'autres éléments et contextes dont nous devons avoir conscience. Dans son ouvrage Mon enfant bégaie, concrètement que faire ?, Anne-Marie Simon distingue 3 facteurs qui favorisent le développement du bégaiement.
Elle les nomme les « 3 P » :
- Les facteurs qui prédisposent : la génétique, mais aussi le bilinguisme, ou encore la personnalité de l'enfant (anxieux, perfectionniste, impatient, etc.).
- Les circonstances qui précipitent : le stress, la fatigue, et les événements de la vie quotidienne peuvent faire office de déclencheurs (arrivée d'un nouvel enfant, déménagement, conflit familial, rentrée en maternelle, divorce, etc.).
- Les éléments qui peuvent le faire perdurer : réactions de l'enfant et de ses parents face au bégaiement, difficultés dans la vie quotidienne, mode de garde qui ne convient pas, tension familiale persistante...
S'il est naturel de voir les familles s'interroger sur le « pourquoi » du bégaiement de leur enfant, il est plus essentiel de se demander « comment réagir » afin que ce trouble du langage s'efface.
En effet, au-delà des difficultés à s'exprimer, le bégaiement peut entraîner de multiples conséquences pour les enfants, telles que des moqueries de la part des camarades de classe, un
harcèlement scolaire, et une sensation d'isolement. La honte, la peur et l'anxiété sont également « des émotions au cœur du bégaiement », comme le souligne l'orthophoniste Élisabeth Vincent.
Enfin, les enfants bègues peuvent souffrir d'un déficit de l'attention avec impulsivité, ou de troubles de la motricité ou de la coordination, comme la dyspraxie.
Conseils et solutions si votre enfant bégaie
Il existe des solutions au bégaiement. En tant que parent, vous pouvez agir face à ce trouble.
Prenez rendez-vous avec un ou une orthophoniste
Prenez rendez-vous avec un ou une orthophoniste
Tout d'abord, n'hésitez pas à consulter dès les premiers signes de bégaiement. En effet, la quasi-totalité des enfants rapidement pris en charge retrouvent une élocution naturelle et fluide. L'efficacité du recours à un ou une spécialiste est reconnue lorsque l'intervention est précoce, idéalement avant les 6 ans de l'enfant.
Le bégaiement est déjà installé ? Ne pensez jamais qu'il est trop tard. Les professionnelles et professionnels du langage - phoniatres ou orthophonistes - aident à « libérer la parole » des jeunes patientes et patients. S'ils n'éliminent pas forcément leur bégaiement, ils en minorent les effets afin que leur expression orale ne soit plus entravée.
Il s'agit d'une aide précieuse pour l'enfant, mais aussi d'un soutien utile pour les parents. Vous y apprendrez les bonnes pratiques, qui varient selon l'âge et la personnalité de votre petit. Sachez qu'il n'existe pas une méthode type efficace contre le bégaiement. Le dialogue avec la ou le thérapeute permet d'engager un processus qui correspond à votre enfant et à votre situation familiale.
Essayez de ne pas réagir quand votre enfant bégaie
Les parents ont également une place à prendre dans la rééducation de leur enfant. Cependant, ils sont souvent tiraillés par trois envies d'agir contradictoires :
- Ne pas prêter attention au bégaiement de leur enfant, afin de ne pas ajouter de tension inutile.
- Donner des conseils sur la respiration ou le ralentissement du débit de parole.
- Mettre fin aux difficultés d'élocution de leur enfant en finissant sa phrase.
Chacun de ces comportements, en apparence louables, s'avère inapproprié. Ne pas porter attention au bégaiement de votre enfant peut le troubler. En effet, il peut imaginer que, outre ses difficultés d'expression, ce qu'il a à dire est inintéressant pour celles et ceux qui l'écoutent.
Finir ses phrases pour le soulager est tout autant préjudiciable. Il faut laisser à l'enfant le soin de finir sa phrase, sauf s'il est bloqué dans son élocution et qu'il en souffre. Dans ce cas précis, nous devons d'abords lui demander s'il veut de l'aide. Ce n'est pas une question de politesse, mais une manière de faire qui n'ajoute pas de blocage à celui déjà existant.
Adoptez des attitudes favorables pour soutenir le développement du langage de votre petit
Par ailleurs, ne craignez pas de parler de son bégaiement à votre enfant :
- Évoquez la situation avec des mots simples, compréhensibles.
- Expliquez-lui que le bégaiement n'est souvent qu'un passage de la vie.
- Faites-lui remarquer que « les adultes qui parlent bien » finissent aussi par bégayer lorsqu'ils sont fatigués, énervés ou émus.
- Rappelez-lui que le bégaiement n'a rien à voir avec le manque d'intelligence ou de talent. Ne le laissez pas s'isoler de vous, de sa fratrie, de ses amis et amies.
De même, aidez-le à identifier les situations qui accentuent par moment son bégaiement, mais aussi celles où il ne bégaie pas. Plus il prend conscience des circonstances qui influencent son élocution, plus il sera en passe de se contrôler et de dominer les occasions qui le fragilisent.
Enfin, pris dans une conversation, il ne faut pas en oublier nos enfants, et leur laisser le temps et l'espace pour s'exprimer. Une étude menée dans les années 80** nous apprend qu'un enfant bégaie plus facilement dans une famille quand :
- Les conversations sont trop rapides.
- Le temps de silence est insuffisant pour lui permettre d'organiser sa pensée.
- Sa parole est trop fréquemment interrompue.
- L'impatience des parents à le voir terminer sa phrase est trop manifeste.
Ces travaux ont 40 ans, mais leur constat reste juste. Et ceci est valable pour tous les enfants, qu¿ils souffrent de bégaiement ou non !
* De nouvelles voies pour guérir le bégaiement, Pascale Santi, Le Monde du 21 avril 2014 ** Evaluation as a basic for intervention. In Treatment of Stuttering in early Childhood, G.D Riley et J. Riley (1983)