Bégaiement : ces mots qui se refusent

Bégaiement : ces mots qui se refusent

Qu'ont en commun Albert Einstein, Julia Roberts, Molière, Marylin Monroe, Napoléon et Bruce Willis ? Ils ont tous souffert de bégaiement. Le parcours de vie et la réussite de toutes ces personnalités peuvent nous rassurer mais nous ne pouvons pas occulter les difficultés des enfants et l'inquiétude de leurs parents lorsque surgit le bégaiement.

La vitesse normale d'élocution nous permet d'exprimer en moyenne 90 mots par minute. 600 000 personnes en France sont loin de cette réalité. Le bégaiement touche, en effet, environ 1% de la population française mais surtout 5% des enfants (1).

Si ce trouble du langage nous est familier, personne n'arrive à s'accorder sur une même définition. Pour certains, c'est un handicap, pour d'autres, non.

De même, les avis divergent grandement sur ses origines : psychologiques, physiologiques, cognitives, génétiques ou bien encore conséquences de l'éducation.
Le débat reste également ouvert sur les mystères du bégaiement : pourquoi une personne bègue n'a-t-elle plus de difficultés d'élocution lorsqu'elle chante, murmure, imite ou se parle à elle-même ?

Il n'y a pas qu'un bégaiement

Dans 80 % des cas, le bégaiement survient, entre 2 et 5 ans, lorsque l'enfant commence à parler (1). Le bégaiement affecte majoritairement les garçons (3 à 4 garçons pour 1 fille) (2).

Malgré la rééducation et ses résultats très probants, 25% des enfants peuvent conserver une forme de bégaiement à l'âge adulte, appelé persistant (3).

À noter que 50% des enfants atteints de bégaiement entre 4 et 7 ans s'en débarrassent sans recourir à l'orthophonie (4).

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Il existe 5 formes de bégaiement :

  • le clonique (répétition d'une syllabe),
  • le tonique (blocage provoquant un silence suivi d'une répétition en rafale de la première lettre ou syllabe),
  • le tonico-clonique qui mélange les deux précédents,
  • le bégaiement par inhibition (souvent en réponse à une question ou à une remarque qui paralyse et immobilise la personne),
  • le bégaiement par substitution (l'interlocuteur choisit une autre formulation pour éviter de bégayer et parfois il préfère même se taire).

Une souffrance pour les enfants... mais aussi pour les parents

Quelle que soit sa forme, le bégaiement est une souffrance souvent tue car vécue comme honteuse. Dans son livre "Le Petit Bonzi", Sorj Chalandon raconte la vie de Jacques, enfant bègue, avec justesse : "Il a senti quelque chose d'étroit dans sa gorge. Une arête de consonne qui ne passerait pas. Une lettre coincée comme un morceau de pain. Un phonème en plomb. Il a paniqué. Il est resté comme ça, bouche ouverte au milieu de tout. Bouche ouverte et les mots qui refusent. " (5)

Les parents sont souvent désemparés devant les difficultés d¿expression de leur enfant. Les forums en attestent : "Je suis vraiment déprimée aujourd'hui de voir mon fils lutter avec les mots", écrit une maman. Une autre remet en cause son activité professionnelle : "Je m'interroge sur la nécessité d'arrêter mon travail pour pouvoir offrir plus de temps à mon enfant." Pour d'autres parents, l'auto-accusation transparaît dans les témoignages : "Je me mets à culpabiliser. Je me demande si ce n'est pas de notre faute."

Chez les personnes qui ont été bègues ou qui le sont encore, une question revient fréquemment : "Existe-t-il une transmission héréditaire du bégaiement ?".
Dans sa publication "Intervention précoce chez le jeune enfant qui bégaie", Anne-Marie Simon (6) nous apprend que "la prévalence du bégaiement est beaucoup plus importante au sein des familles de bègues que dans la population générale, et liée au sexe : il y a environ 1 femme bègue pour 3 hommes bègues, mais un risque plus important pour la femme d'avoir un enfant bègue surtout si celui-ci est un garçon" .

Les origines du bégaiement

Si le bégaiement peut donc "se transmettre", il émane aussi d'autres éléments et contextes dont nous devons avoir conscience. Dans son ouvrage "Mon enfant bégaie. Concrètement que faire ?" (7), Anne-Marie Simon distingue 3 facteurs qui favorisent le développement du bégaiement. Elle les nomme les "3P" :

  • les facteurs qui Prédisposent : génétique mais aussi bilinguisme, caractères de l'enfant (anxieux, perfectionniste, impatient...), peur...
  • les circonstances qui Précipitent : stress, événements familiaux (arrivée d'un nouvel enfant, déménagement, entrée à l'école ou changement d'établissement, conflit familial...), fatigue, compétition...
  • les éléments qui peuvent le faire Perdurer : réactions de l'enfant et de ses parents face au bégaiement, difficultés dans la vie quotidienne, mode de garde qui ne convient pas, tension familiale persistante...

S'il est naturel de voir les familles s'interroger sur le "pourquoi" du bégaiement de leur enfant, il est plus essentiel de se demander "que faire"afin que ce trouble du langage s'efface.

Le bégaiement n'est pas un problème sans solution

Tout d'abord, n'hésitez pas à consulter dès les premiers signes de bégaiement. En effet, 95% des enfants pris en charge précocement retrouvent une élocution naturelle et fluide (4). Des professionnels du langage (phoniatres ou orthophonistes) aident à "libérer la parole" du patient. S'ils n'éliminent pas forcément son bégaiement, ils en minorent les effets afin que son expression orale ne soit plus entravée.

Les parents ont aussi une place à prendre dans la rééducation de leur enfant. Cependant, ils sont souvent tiraillés par 3 envies d'agir contradictoires :

  • ne pas prêter attention au bégaiement de leur enfant, afin de ne pas ajouter de tension inutile,
  • donner des conseils sur la respiration ou le ralentissement du débit de parole,
  • mettre fin aux difficultés d'élocution de leur enfant en finissant sa phrase.

Chacune de ces attitudes, en apparence louable, s'avère inappropriée. Ne pas porter attention au bégaiement de votre enfant peut le troubler. Il peut, en effet, imaginer que, outre ses difficultés d'expression, ce qu'il a à dire est inintéressant pour ceux qui l'écoutent, en général, et pour ses parents, en particulier.

Finir ses phrases pour le soulager de sa difficulté est tout autant préjudiciable. Il faut laisser à l'enfant le soin de finir sa phrase, sauf dans un cas : s'il est bloqué dans son élocution et qu'il en souffre. Dans ce cas précis, nous devons d'abord lui demander s'il veut de l'aide. Ce n'est pas une question de politesse, c'est une manière de faire qui n'ajoute pas de blocage à son blocage.

Si ces comportements ne sont pas les bons, alors comment réagir ?
Nous avons vu que le recours à un spécialiste est la première des démarches à entreprendre. Son efficacité est reconnue lorsque l'intervention est précoce. Avant les 6 ans de l'enfant, c'est idéal. Toutefois, si vous ne l'avez pas fait tout de suite, ne pensez jamais qu'il est trop tard. Il s'agit d'une aide précieuse pour l'enfant mais aussi un soutien utile pour les parents. Vous y apprendrez les bonnes pratiques, qui varient selon l'âge et la personnalité de l'enfant. Il n'existe pas une méthode type efficace contre le bégaiement. Le dialogue avec le thérapeute permet d'engager un processus qui correspond à votre enfant et à votre situation familiale.

Ne craignez pas de parler de son bégaiement à votre enfant. Evoquez-le avec des mots simples, compréhensibles. Expliquez-lui que le bégaiement n'est souvent qu'un passage de la vie. Faites-lui remarquer que "les adultes qui parlent bien" finissent aussi par bégayer lorsqu'ils sont fatigués, énervés ou émus.

Rappelez-lui que le bégaiement n'a rien à voir avec le manque d'intelligence ou de talent. Ne le laissez pas s'isoler de vous, de sa fratrie, de ses amis.

Enfin, aidez-le à identifier les situations qui accentuent, par moment, son bégaiement, mais aussi celles où il ne bégaie pas. Plus il prend conscience des circonstances qui influencent son élocution, plus il est en passe de se contrôler et de dominer les occasions qui le fragilisent.

Enfin, pris dans une conversation, il ne faut pas en oublier nos enfants et leur laisser le temps et l'espace pour s'exprimer. Une étude menée dans les années 80 (8) nous apprend qu'un enfant bégaie plus facilement dans une famille où les conversations sont trop rapides, où le temps de silence est insuffisant pour lui permettre d'organiser sa pensée, où sa parole est trop fréquemment interrompue et où l'impatience des parents à le voir terminer sa phrase est trop manifeste.

Cette étude a plus de 30 ans, mais son constat reste juste. Et ceci est valable pour tous les enfants, qu'ils souffrent de bégaiement ou non !

Sources

  • hypotheses.org
  • (1) Le bégaiement : un trouble du débit de la parole ? Bastien Aradj.

  • begaiement.org
  • (2)Dépliant jeunes enfants

    (3) Le Monde du 21 avril 2014 "De nouvelles voies pour guérir le bégaiement" de Pascale Santi

    (4) The Stuttering Home Page (article des orthophonistes américains : Sheryl Ridener Gottwald, Murray Halfond et C. Woodruff Starkweather)

    (5) Editions Grasset, 2005

  • begaiement.org
  • (6) Anne-Marie Simon est orthophoniste et fondatrice de l'association Parole Bégaiement.

    (7) Editions Tom Pousse, 2012

    (8) " Evaluation as a basic for intervention. In Treatment of Stuttering in early Childhood" de G.D Riley et J. Riley (1983)

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