Psycho famille
Publié le 18.08.2017
Parler de sexualité et d'amour à nos enfants
Les choux, les roses, les cigognes... Nos grands-parents en parlaient ! Aujourd'hui, les mots pour parler de sexualité à nos enfants ont bien changé. Mais pourquoi les dire ? Sommes-nous certains d'utiliser les plus adaptés à leur âge ou à leur curiosité ? S'il n'existe pas une réponse parfaite, il en existe quelques-unes qui sont bonnes. Nous les partageons ici avec vous.
Pourquoi parler de sexualité avec son enfant ? Pour certains, ce sujet est si intime
qu'il leur semble impossible de l'évoquer avec leur enfant.
Pourtant, il est important
de le faire. Pour nous en convaincre, il suffit de se pencher sur ces quelques
chiffres : en 2009, une étude américaine révélait que 50% des enfants interrogés
avaient eu des comportements sexuels avant l'âge de 13 ans (1). Par
"comportements", il faut entendre, non pas des rapports physiques mais des
attitudes qui sont sans ambiguïté (exhibition ou simulation par exemple).
Un autre
chiffre nous apprend qu'en France, 20% des jeunes de moins de 15 ans sont déjà
sexuellement actifs (2).
La sexualité reste d'abord et avant tout un sujet positif, lié à l'amour et à la tendresse
portés à une autre personne.
Les enfants n'échappent ni à cette envie ni à cette
curiosité. Pour les guider, nous devons, en tant que parents, savoir trouver la bonne
distance, les bons mots.
En parler dès 4-5 ans... si la question se pose
Contrairement aux idées reçues qui nous laissent à penser que le dialogue sur la
sexualité avec nos enfants doit commencer avec leur pré-adolescence (10-12 ans),
nous devons largement anticiper ces échanges... si nos enfants en manifestent
l'intérêt.
Et c'est là, la première chose à retenir : c'est l'enfant qui donne le tempo.
Le
parent n'a pas "à convoquer son enfant" pour parler de sexualité. Il est révolu le
temps des sentences bien maladroites de nos aînés : "Il faut qu'on parle d'une chose
sérieuse : l'amour et la sexualité".
Le parent d'aujourd'hui doit se préparer au
moment où les questions vont lui être posées. À ce moment-là, il ne doit jamais
apparaître déstabilisé. Un enfant doit sentir qu'il peut aussi évoquer ces questions-là
avec ses parents, comme tout autre sujet.
Mark Schuster, professeur de pédiatrie à la Harvard Medical School, chef de service
pédiatrie et chef de service adjoint santé générale au Children's Hospital de Boston,
résume d'une phrase cette nécessité de ne pas attendre :
"Lorsque des parents
attendent le bon moment pour parler de sexualité avec leurs enfants, le bon moment
est déjà loin derrière."
Lorsque l'on évoque "la préparation des parents", comprenons-nous bien : ce n'est
pas la technicité de vos réponses qui compte, mais bien l'état d'esprit général dans
lequel vous voulez répondre.
L'enfant a d'abord besoin de ressentir que son parent
est un interlocuteur de confiance avec qui il peut (et pourra) dialoguer.
Petit conseil
pratique : si une question vous déstabilise, répondez plutôt à votre enfant : "C'est
une bonne question. Donne-moi quelques minutes pour que je prenne le temps de te
répondre" plutôt que "Mais pourquoi tu me poses cette question ?". Réservez-vous
ces quelques instants de réflexion avant de formuler votre réponse et une fois que
vous êtes prêt, n'oubliez pas de retourner voir votre enfant et entamez avec lui une
discussion.
Il faut aussi que vous ayez en tête que la première question qu'il vous a posée
risque d'en appeler d'autres.
Le parent doit être un caméléon
Vous devez vous préparer à répondre à une variété de questions selon les âges et la
maturité de votre enfant.
Dès 3-5 ans, les questions surgissent : "Maman, comment tu as fait pour avoir un
bébé dans ton ventre ?", "Par où sortent les bébés quand ils naissent ?", "Comment
les papas font-ils pour mettre la graine dans le ventre des mamans ?".
À 6-9 ans, les questions s'aiguisent "Est-ce que s'embrasser c'est faire l'amour ?",
"A-t-on un bébé à chaque fois qu'on fait l'amour ?", "Les spermatozoïdes, c'est
quoi ?".
En grandissant, les questions des pré-adolescents et des adolescents deviennent
plus personnelles, plus précises.
Là encore, gardez bien en tête que la confiance se
construit dans les premières années.
Si les enfants ont eu face à eux des parents
"qui fuient" les questions générales sur la sexualité, il y a peu de chances qu'ils se
tournent vers eux pour trouver des réponses à leurs questions plus intimes.
Une chose est sûre : si les enfants ne peuvent pas partager ces questions avec leurs
parents, ils iront trouver les réponses là où ils le peuvent.
Elles risquent alors d'être
réductrices et techniques avec les cours de SVT, voire obscènes et sans filtre avec
des contenus pornographiques auxquels ils peuvent facilement avoir accès sur
Internet.
Dans les deux cas, l'enfant reçoit une information parcellaire ou caricaturale
dont il est spectateur alors que c'est dans le dialogue et l'échange qu'il construira sa
personnalité et fondera ses choix.
À cet effet, il nous faut combattre cette idée préconçue qui voudrait qu'un enfant
sensibilisé très tôt aux questions de la sexualité va accélérer son entrée dans la vie
sexuelle.
Pour Sophia Lessard, sexologue et maître praticienne en programmation
neurolinguistique, "il est démontré que les jeunes qui parlent de sexualité avec leurs
parents vivent leurs premières relations sexuelles plus tardivement, sont plus
sélectifs dans leurs choix de partenaires et utilisent davantage les moyens de
contraception".
La façon d'en parler est donc importante et l'expérience partagée des parents fait
ressortir 5 conseils essentiels :
- Il ne faut esquiver aucune question et n'être effrayé par aucun sujet.
Le rôle du parent est d'éclairer des zones d'ombres. Nos paroles doivent rassurer et non juger.
Les formulations à l'emporte-pièce ("c'est sale", "il ne faut pas") peuvent inutilement inquiéter l'enfant ou bien lui apparaître comme un interdit qu'il est intéressant de braver. - Il ne faut jamais parler de soi.
Notre intimité n'appartient qu'à nous et une confidence personnelle peut déstabiliser un enfant qui n'est jamais curieux de la sexualité de ses parents.
Faisons en sorte que nos réponses restent générales, sans référence à notre propre expérience. - Il ne faut jamais questionner l'enfant sur sa sexualité.
Tout comme pour nous, son intimité lui appartient. Nous n'avons aucun intérêt à brusquer ses confidences.
Si un enfant est en confiance, il viendra se confier et, à cet instant, nous devrons savoir l'écouter et lui parler.
S'il ne souhaite rien nous confier, nous devons le respecter. - Il ne faut jamais en faire trop.
Lorsqu'un enfant pose une question, répondons sans entrer dans de vastes explications.
Trop de digressions peuvent donner le sentiment de "noyer le poisson".
Trop d'explications peuvent laisser l'impression que la sexualité est un sujet technique, complexe. - Il faut laisser la porte ouverte... à ses futures questions.
Un enfant doit comprendre qu'il pourra nous réinterroger quand d'autres questions surviendront.
La parole et la lecture sont de bons garde-fous
Plus un enfant est informé, plus il saura apprécier la normalité et l'anormalité d'une
situation.
Parler de sexualité à un enfant, c'est lui rappeler que son corps n'appartient
qu'à lui, qu'aucune personne ne peut lui imposer une intimité dont il ne veut pas.
À la préadolescence, c'est également le moment de le sensibiliser aux risques :
l'inciter à toujours se protéger avec un préservatif, mais également lui présenter les
différents modes de contraception qui existent.
Il faut évoquer également les
pratiques à risques, notamment liées à l'alcool . Si l'alcool désinhibe, il
affecte la prise de décision et la capacité à maîtriser une situation.
Cela peut
entraîner l'oubli du préservatif, une relation sexuelle non souhaitée et un risque de
grossesse ou de contamination d'une maladie sexuellement transmissible.
Pour ce faire, n'hésitez pas à vous appuyer sur des livres jeunesse.
Il existe toute
une littérature pour aborder le sujet de la sexualité avec ses enfants, adaptée à leurs
différents âges. Des ouvrages pensés avec légèreté et simplicité.
Nous en avons
identifié un pour chaque tranche d'âge, mais cette liste n'est pas exhaustive :
- pour les 3-6 ans : "Balthazar et comment sont faits les bébés ?" de Marie- Hélène Place et Caroline Fontaine-Riquier (Editions Hatier). Avec des reproductions d'œuvres d'art à l'intérieur comme "Le baiser" de Gustav Klimt
- pour les 7-8 ans : "Le parcours de Paulo" de Nicholas Allans et Isabel Finkenstaedt (Editions Kaléidoscope). L'histoire d'un spermatozoïde qui se prépare à la Grande Course de natation pour donner la vie.
- pour les 9-10 ans : "Zizi, lolos, smack" de Nathalie Weil, Delphine Godard et Stéphane Nicolet (Editions Nathan). Les préjugés tombent avec des illustrations vives et colorées, des textes courts et des surprises.
- pour les 10-12 ans : "Le guide du zizi sexuel" de Hélène Bruller et Zep
(Editions Glénat).
Un bon livre passerelle entre parents et enfants pour aborder la question des sentiments amoureux et de la sexualité avec un Titeuf très amusant. - pour les 12-14 ans : "Girls : no panic" de Hayley Long et Stéphanie Scudieron "Boys : no panic" de James Dawson (Editions Milan). Toutes les questions qui passent par la tête d'un(e) jeune adolescent(e) trouvent leur réponse.
En conclusion, n'oublions jamais que nous avons été enfants et que, nous aussi,
nous nous sommes interrogés sur notre corps, le désir, l'amour et la sexualité. Nous
aussi, nous cherchions des réponses que nous n'avons pas toujours eues de la
meilleure des façons.
À notre tour d'être celles et ceux qui informons, renseignons et
rassurons.
Ne cherchons pas à devenir des bibliothèques ambulantes, restons juste
des parents qui n'avons pas oublié notre enfance et qui accompagnons notre enfant
avec confiance.
Sources
(1) Etude American Academy of Pediatrics menée auprès de 339 enfants (août 2009) (2) Stratégie nationale de santé sexuelle Agenda 2017-2030 Ministère des Affaires Sociales et de la Santé